Entretien avec Adrien Jaminet - AJ Atelier des cuivres

Profession Musique Adrien Jaminet
 Photo : © Martin Trillaud

 

par Sylvie Irvoas, le 16 juin 2023

Qu'est ce que signifie pour toi les cuivres à la française ?

C’est une grande tradition, les grands facteurs et les grands musiciens. JB Arban est le père fondateur de cette école. Il a créé un mouvement global autour de cela. Mais aussi Perinet qui a inventé le piston que l’on utilise aujourd’hui. C’est tout cela que j’essaye de raconter à travers mon projet de fabrication de trompettes Française. Il y avait une hégémonie aux Etats Unis avec de grandes marques américaines. Mais il faut savoir que les trompettes Bach sont issues de modèles français.
L’école française se réinvente et se redécouvre avec mon projet de trompette. Le mouvement va bien plus loin que notre industrie musicale et tout comme à l’instar de Guillaume Gibault le fondateur du slip français, entrer dans cette démarche de relocalisation nous amène à redécouvrir notre propre histoire.

Quels sont les mots qui caractérisent l'école musicale des cuivres ?

J’ai beaucoup parlé avec les musiciens, je les ai beaucoup écoutés aussi. Les mots qui caractérisent pour moi l’école musicale des cuivres à la française sont : Elégance et Rigueur du texte. Soit un cadre très défini et un son brillant et timbré. Il y a bien sûr des modes en termes de sonorités, mais il est important de considérer l’influence des professeurs de conservatoires et au plus haut niveau. C’est eux qui œuvrent à façonner des sons.

Comment se passe la collaboration avec 1 artiste ? Comment est arrivé ton projet de lutherie ? et quels sont les musiciens ou artisans qui ont guidé ta démarche de luthier ?

Suite à un stage effectué en classe de 3ème à l’atelier de mes parents, j’ai commencé à m’intéresser à cet univers et j’ai fabriqué des trompettes pour mes copains de Conservatoire. Il se trouve qu’aujourd’hui ils sont devenus des musiciens professionnels dans de grands orchestres, Paris, Bordeaux, Toulouse...et ils m’ont mis en relation avec d’autres musiciens. Je suis passé de la réparation, à la vente puis à la fabrication. Tout cela à partir de mon sous-sol puis j’ai dû m’agrandir. En travaillant avec tous ces grands musiciens, j’ai beaucoup appris avec eux et sur l’histoire des cuivres.
J’avais 20 ans, j’ai été nourri par tout cela et l’entreprenariat s’est imposé à moi. J’ai été en recherche de contenu et j’ai écouté beaucoup de podcasts, notamment ceux de Guillaume Gibault « J’y vais, mais j’ai peur ».
L’industrie des cuivres en Allemagne est forte, et les grandes marques Bach, Schilke, Yamaha drivent le marché. Il m’était triste de constater qu’il n’y avait plus de fabrication de cuivres en France.
Je remarquais que les musiciens Américains avaient une écoute toute particulière lorsque je leur parlais de l’histoire des cuivres à la française. Ils ne connaissaient pas cet héritage.

Je suis allé puiser dans les sagas du slip français et aussi de la marque 1083 (Les jeans). Comme eux je vise à relancer une filière de manière globale. Un instrument cela se conçoit à deux ou trois intervenants : c’est avant tout la vision et la rencontre du musicien et du luthier, chacun amène ses ingrédients. J’aime bien faire le parallèle avec le métier de cuisinier.
Le projet de la trompette Confluence Courtois m’a permis d’être en contact avec la technologie d’un groupe. J’ai travaillé avec des personnes telles que Werner Duwe ou Thierry Mialet, très ouvertes, possédant un remarquable savoir-faire technique et des machines auxquelles je n’ai pas accès dans mon atelier.
Un autre influenceur de mon projet trompette Bob Malone de chez Yamaha, incroyable technicien luthier. Les collaborations entre musiciens, luthiers et industriels ont fait leur preuve avec tous les grands noms de la facture instrumentale.

Quels sont le ou les musiciens qui t'ont inspiré en tant que trompettiste ?

La personne la plus importante pour moi a été Roger Delmotte. A lui tout seul c’est presqu’un siècle de l’histoire de la trompette. J’ai beaucoup parlé avec Roger, et en évoquant la trompette à palettes qui était à la mode à un certain moment, de là m’est venue l’idée de refaire une trompette pour un répertoire français.

On vient d'apprendre la fermeture de l’atelier de cuivres Couesnon, qu'en penses-tu ?

Je suis triste. On perd un grand nom. Couesnon a été le premier grand industriel français. Le Dirigeant a exercé un rôle important auprès du gouvernement de l’époque, il est allé promouvoir et exporter le savoir-faire français aux Etats Unis, et c’est lui qui a monté l’usine Conn aux USA.
Il est important de savoir se réinventer et on peut fabriquer en France et de savoir bien communiquer.
Je suis inscrit dans le plan « Métiers de la main, métiers de demain » et je participe à des groupes de travail et fais partie de la fonction test, animée par BPI France. C’est un formidable accélérateur. Nous venons de domaines et de savoir-faire très différents mais portons tous les mêmes valeurs. J’ai beaucoup appris également au sein de ce programme. La prochaine édition se prépare fin 2024.

R&D nouveaux matériaux ?

Pourquoi pas de nouveaux matériaux, mais je pense qu’il y a déjà beaucoup à faire dans le process même de conception et de fabrication. Par exemple pour la trompette Confluence de Courtois, c’est la première fois que les entretoises sont des pièces imprimées en 3D et en laiton. Il y a moins de perte, et c’est beaucoup plus précis.

Dans les cuivres, on est dans l'économie circulaire depuis longtemps, les matériaux utilisés sont recyclables et ont un impact carbone relativement faible comparé à l'acier et l'aluminium, comment t'inscris tu dans cette réflexion et pour les générations futures et t’es tu fixé des objectifs de développement durable et RSE ?

Oui tout simplement déjà 800 kms à partir de Brétigny Sur Orge. C’est la distance maximale que je m’autorise pour me fournir des pièces ou travailler avec des partenaires.
Je travaille avec des prestataires qui eux aussi s’inscrivent dans cette démarche de responsabilité. Mes housses sont fabriquées avec des chutes de tissu dans des ateliers en France, mes impressions s’inscrivent aussi dans la filière responsable etc...

Du côté de mes collaborateurs, nous adaptons les horaires pour faciliter les emplois du temps de chacun. Nous sommes actuellement 8. Je répartis sur chaque atelier (Brétigny et Lyon) une partie de production afin de bâtir une même culture d’entreprise.

 

https://aj-atelierdescuivres.fr/

 

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